2 mars 1986 la victoire d’aoua
Le 1er mars 1896, 100.000 Ethiopiens répondent à l’appel de leur Négus ou Empereur, Ménélik II. Bien armés et dotés d’une artillerie grâce à la bienveillance des Anglais, ils écrasent une armée italienne de 18000 hommes près de la localité d’Adoua.
Dans l’Atlas qui date de 1929, si tu essaie de feuilleter dessus, quand on va sur la double page où on trouve la carte d’Afrique, on voit que tout le continent a été totalement colonisé mais en regardant de plus près il y’a un truc étonnant, deux endroits semblent avoir échappé à la colonisation. D’abord à l’ouest, le Libéria, mais ce n’est pas un pays vraiment indépendant puisque c’est en fait un territoire acheté par une société Américaine. En revanche, à l’Est-il y’a ce grand pays, cerné par des colonies françaises, anglaises et italiennes et qui pourtant semble toujours indépendant. Ce pays, c’est l’Ethiopie et aujourd’hui j’avais envie de vous raconter son histoire vue que c’est le jour nationale de l’Ethiopie (le 2 mars), car à la fin du XIXe siècle, alors que les puissances européennes se lancent dans une course effrénée pour coloniser l’entièreté du continent Africain, l’Empire Ethiopien fait figure d’irréductible, le seul à ne pas avoir été conquis.
L’Ethiopie, un empire qui date des millénaires
Pendant Longtemps, les Européens ne connaissaient pas l’Afrique, hormis les côtes sur lesquelles ils ont installé des comptoirs commerciaux, très peu d’européens ont si s’aventurer à l’intérieur de ce mystérieux continent. Mais tout change à partir des années 1880. Après s’être installés aux quatre coins du globe, seule l’Afrique restait encore à explorer. Alors français, britanniques, belges, portugais ou encore allemands se lancent dans une véritable course à la colonisation.
En moins de deux décennies. Les européens s’emparent d’un continent 3 fois plus grand que l’Europe où chacun se crée son propre empire colonial. Mais au milieu de tout ça, il y’a L’Ethiopie.
Pour tout comprendre, il faut comprendre un peu l’histoire de l’Ethiopie, puisque si elle a échappé à la colonisation c’est en partie grâce à son histoire particulièrement longue. Selon la légende, le royaume d’Ethiopie remonterait à environ -1000 ans avant JC et aurait été fondé par un certain Ménélik 1er, un des fils du célèbre roi de Jérusalem Salomon. Mais ce dont les archéologues affirment c’est que l’empire de l’Ethiopie est très ancien puisqu’on retrouve ses origines dans l’ancien royaume d’Aksoum qui est le tout premier royaume d’Afrique à avoir été converti au christianisme dès le IV -ème siècle, puis c’est au cours du XIIIe siècle que l’empire Ethiopien apparait véritablement sous la dynastie des Salmonidé, une dynastie qui justement tire son nom de Salomon. Mais pendant longtemps l’Ethiopie reste ce lointain royaume chrétien que les européens connaissent assez mal. Quand commence la colonisation de l’Afrique les européens connaissent donc déjà l’empire Ethiopien. Ils savent que c’est un empire très ancien qui, en plus de ça est chrétien, ce qui lui donne l’image d’un Etat, disons un peu plus civilisé que les autres. C’est sans doute la raison qui explique pourquoi l’Ethiopie est au début épargné par la colonisation. Mais l’Ethiopie profite aussi de sa position géographique, si on regarde sur une carte on voit de suite que l’Ethiopie est enclavée, elle n’a pas d’accès à la mer, ce qui la rend encore moins intéressante pour les européens. Les Ethiopiens vont même voir la colonisation comme une chance, déjà dans les années 1860, sous le règne de l’empereur Téwodros II, L’Ethiopie noue des liens commerciaux avec les occidentaux qu’elle continue d’entretenir dans les années 1880 sous Yohannes IV quand les européens comment à s’installer sur la corne de l’Afrique. Parmi eux, il y en a un qui jusque-là n’était pas parvenu à s’imposer comme une grande puissance coloniale, ce pays, c’est l’Italie.
L’Ethiopie Face à l’Italie
L’Italie est à cette époque un tout jeune pays, puisque ça fait à peine 10 ans que le pays a été unifié pendant le Risorgimento. L’Italie fait figure de petit dernier et au début de la colonisation de l’Afrique elle n’a ni l’ambition ni les moyens de commercer des puissances comme la France ou le Royaume-Uni. Mais une fois la période de Risorgimento passée et que l’Italie est enfin stabilisée, les italiens se disent que finalement la colonisation ça pourrait être bien pour l’économie du pays et puis ça permet de récupérer plein de ressources et d’enfin pouvoir s’affirmer comme une grande puissance ; après tout ils sont bien les descendants de l’empire romain.
Tout change donc à partir de 1881. A partir de là l’Italie commence à s’intéresser à l’Afrique et plus particulièrement l’Afrique de l’Est, puisqu’à ce moment-là les français et les anglais se disputent aussi la région. Pour l’Italie c’est l’occasion de se jeter à son tour dans la course aux colonies. Et l’endroit qui va intéresser les Italiens au tout début, c’est dans le long de la Mer Rouge. Depuis que le canal de suez a fini d’être creusé en 1869, L’endroit est devenu une position stratégique, il relie l’Europe au détroit de Bab-el-Mandeb, un véritable carrefour entre l’Asie, l’océan indien et le Moyen Orient.
Mais les italiens ne sont pas les premiers à s’installer dans la corne de l’Afrique, les français se sont déjà installés à Djibouti et les britanniques ont eux colonisé une partie de la Somalie. Les italiens vont eux colonisés la région de l’Erythrée en s’emparant du part de Massawa que les britanniques venaient d’abandonner. Le problème c’est que les éthiopiens eux aussi voulaient à se moment s’emparer de l’Erythrée pour se donner un accès à la mer. Cette situation débouche sur de premiers affrontements entre les éthiopiens et l’armée italien. Le 26 Janvier 1887, une bataille a lieu près du village de Dogali où l’entièreté du contingent italien est éliminée. Plusieurs mois après, les italiens lancent une contrattaque commandée par le général Alessandro Asinari Disan Marzano, 20000 italiens réussissent à repousser les éthiopiens et à convaincre l’empereur Yohannes IV de renoncer à l’Erythrée ce qui permet à l’Italie de faire de l’Erythrée sa première colonie sauf que les italiens ne voulaient pas s’arrêter là. Assez rapidement ils se mettent à convoiter la région du Tigré au nord de l’Ethiopie, une région d’une haute importance puisqu’elle est considérée comme le berceau de l’Empire de l’Ethiopie mais maintenant les italiens se méfient un peu, ils sont au courant que les éthiopiens peuvent leur tenir tête, c’est pourquoi ils ne repartent pas en guerre de suite. Ils vont se montrer un peu plus subtile, et pour ça ils vont profiter d’un événement tragique, la mort de Yohannes IV. Après avoir été battu par les italiens au nord, Yohannes IV se met à chercher le soutien des britanniques en les aidant à s’emparer du Soudan.
Les Ethiopiens vont donc combattre au côté des britanniques et vont les aidés à s’emparer du Soudan, ce qui d’ailleurs montre la complexité de la période puisque là on a par exemple un pays africain qui par intérêt, aide un pays européen dans son projet colonial. Mais pendant cette guerre l’empereur Yohannes IV est tué le 10 mars 1889 à la bataille de Matamma. C’est là qu’intervient un personnage très important, sans doute la personne la plus important de toute l’histoire Ethiopienne au vu de ce qu’il a accompli, Menelik II. Né en 1844, c’est à l’origine le Négus c à d le roi du Showa, l’un des provinces qui compose l’Empire de l’Ethiopie et qui s’est toujours posé en rival de l’empereur Téwodros II puis de Yohannes IV. Et autant vous dire qu’il est très ambitieux pendant des années il s’est constitué une armée de plus en plus grande qu’il a armée grâce au soutien des britanniques. C’est lui qui fonde 1886 la ville d’Addis-Abeba qu’il fait relier au port de Djibouti par une ligne de chemin de fer qui permet à la ville de prendre rapidement son essor et de devenir la nouvelle capitale de l’Ethiopie. Ces conquêtes de rendre l’Ethiopie plus moderne permettent à Menelik de devenir le Négus le plus important d’Ethiopie, avec un royaume de Showa moderne et une armée puissante soutenue par la majorité de la noblesse éthiopienne.
C’est pourquoi après la mort de Yohannes IV, il est devenu l’empereur qui le succède mais c’est aussi à ce moment que les italiens décident de revenir dans la partie. Tout part de l’envoi d’une émissaire Pietro Antonelli, chargé de signer un traité avec le successeur de Yohannes IV. Il finit par trouver Menelik dans le village de Wouchalé alors qu’il est en route pour se faire couronner et c’est là que les ennuis vont commencer.
Antoneli est là pour faire signer un traité d’amitier entre l’Ethiopie et l’Italie, le problème c’est qu’il fait signer deux documents l’un est écrit en amharique, la langue éthiopienne, et l’autre est une copie traduite en italien et le problème c’est que les deux versions ne disent pas vraiment la même chose, en fait c’est précisément l’article 17 qui pose un vrai problème et qui sera le déclencheur de la guerre entre les deux pays.
Dans la version amharique, il est écrit que Menelik consent à solliciter l’Italie pour soutenir sa diplomatie, c’est-à-dire qu’il accepte d’éventuellement passer par l’Italie pour dialoguer avec les autres puissances européennes. Alors que dans la version en Italie c’est écrit qu’il est obligé d’être représenté par l’Italie, sans le savoir il vient de faire de l’Ethiopie un protectorat, en clair, un genre de colonie qui ne dit pas son nom. Et ça les italiens ne s’en cachent pas, ils vont formellement interdire aux autres Etats de mettre un pied en Ethiopie comme si elle lui appartenait sauf que le truc c’est que Menelik ne s’en rend pas compte immédiatement, le traité de Wouchalé est donc signé le 2 mai 1889 et quelques mois après Menelik est couronné Négus Négest littéralement le « Roi des Roi », empereur d’Ethiopie le 3 novembre pendant ses premières années de règne, son objectif est clair : poursuivre la modernisation pour faire faire de l’Ethiopie un Etat indépendant, puissant et moderne. Menelik est quelqu’un de rationnel, il sait aussi que la colonisation peut être une chance pour l’Ethiopie de prospérer. C’est pourquoi il va habilement nouer des liens avec les occidentaux sans jamais se soumettre à eux.
Il sait aussi que l’indépendance de l’Ethiopie repose sur un rapport de force avec les européens, c’est pourquoi il achète des armes aux occidentaux et fait appel à des instructeurs militaires français et russes pour permettre à son armée de s’aligner sur les standards européens.
On assiste alors vraiment à l’essor de l’empire d’Ethiopie, qui va doubler de tailles en seulement quelques années. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’à ce que Menelik II découvre la vérité sur le traité de Wouchalé. Il s’en rend compte lorsqu’il envoie des lettres à la France et à l’Allemagne pour négocier des traités, la seule réponse qu’il reçoit à chaque fois c’est un « désolé on ne peut pas dialoguer avec vous sans l’accord de l’Italie ». Il se dit « euuh… pourquoi je dois passer par l’Italie, je ne suis pas une colonie… attends … !!»
Ehh oui c’est comme ça qu’il réalise qu’il s’est fait avoir. La réaction immédiate en 1893, il décide d’envoyer une lettre aux puissance européennes dans laquelle il annonce que le traité de wouchalé est rompu et en profite pour proclamer l’indépendance de l’Ethiopie. Le souci c’est que l’indépendance de l’Ethiopie oui, mais de quelle Ethiopie on parle, celle avec les frontières actuelles, ou celle avec les frontières que Menelik II voulait avoir ce qui inclut l’Erythrée italienne. Menelik il inclut dedans l’Erythrée et ça, ça ne va pas plaire du tout le gouvernement italien de Francesco Crispi pour qui c’est la provocation de trop. Apres une suite de disputes diplomatiques entre Addis Abeba et Rome, ce qui devait arriver arriva, la guerre est déclarée.
La résistance éthiopienne
Janvier 1895 après plusieurs petites incursions sur le territoire éthiopien, l’armée italienne lance sa grande invasion de l’Ethiopie. En trois mois le corps expéditionnaire mené par le général Baratieri s’empare de la symbolique région du Tigré. Menelik II essaye dans un premier temps de mobiliser son armée mais il est ralenti par l’organisation féodale de l’empire qui nécessite d’avoir l’accord de chaque roi de chaque province pour pouvoir lever des troupes. Menelik passe donc les premiers mois de la guerre à lever une armée et finalement, au printemps 1895 on estime qu’il a réussi à mobiliser 100,000 hommes.
Grace au matériel, aux armes et aux instructeurs achetés à la France et la russsie les italiens sont surpris par l’organisation et le commandement des éthiopiens bien plus efficaces que prévu. Après l’été et les premiers combats les italiens se retrouvent obligés de reculer. Le 9 octobre ils se sont repliés à Debra Alia, le 7 décembre ils abandonnent leur poste avancé d’Amba Alagi et le 21 janvier 1896, Menelik il reprend la forteresse de Mekele.
Les plans de Baratieri sont entrain de voler en éclat, les officiers italiens passent leur temps à se disputer et les chefs de guerre Erythréens qui combattaient à l’origine pour les italiens commencent à deserter pour rejoindre l’armé de Menelik. Le gouvernement italien est obligé d’envoyer en urgence des renforts pour tenter de renverser la situation. Baratieri désespéré, réussit quand même à réunir 18000 hommes dont seulement la moitié sont des italiens et lance en mars 1896 une grande offensive surprise en direction du cœur de l’Addis Abeba. Menelik II en est informé et décide de marcher en direction des troupes de Baratieri. Le 1er mars les deux armées se rencontrent à Adoua pour une bataille qui va devenir le symbole de la résistance des éthiopiens mais aussi pour tous les africains à la colonisation. La bataille est d’autant plus importante puisqu’elle a lieu environ 10km de la ville d’Aksoum, une ville sainte pour l’église orthodoxe éthiopienne. En face d’eux, les éthiopiens ont des italiens démoralisés, commandés par des officiers divisés et désorganisés les troupes de Baratieri n’arrêtent pas de se perdre et de se faire surprendre parce qu’ils ont des cartes fausses. Sans véritables plan les troupes coloniales tentent de briser la défense éthiopienne mais assez vite la bataille tourne au carnage pour les italiens qui abandonnent rapidement le champ de bataille.
On compte environ 5000 italiens et 1000 érythréens qui sont tués à Adoua. Menelik II s’empare d’une soixante de canons abandonnés par les italiens et capture 1800 italiens et 1000 érythréens. Les survivants qui s’enfuient vers la côte évoqueront à jamais comme la plus sanglante défaite subie par un colonisateur. Et quand la nouvelle de la débâche d’Adoua arrive en Italie la population perçoit ça comme une immense humiliation. L’opinion publique commence à réclamer la fin de la colonisation qu’elle juge inutile en plus de couter un paquet d’argent.
Il y’a même des manifestations d’épouses et de mère qui empêchent le départ de leurs maris ou de leurs fils au service militaire. Sous la pression et a peine 5 jours après la bataille d’Adoua, Francesco Crispi démissionne et le Roi Umberto 1er rappelle son prédécesseur Antonie Starabba qui se retrouve chargé de trouver un terrain d’entente avec Menelik II. Pendant ce temps en Ethiopie, malgré la victoire, Menelik II ne crie pas victoire pour autant. Il a gagné une bataille mais pas la guerre et il est bien conscient que les répercussions peuvent être terribles.
Il sait que l’humiliation qu’il a fait subir aux italiens l’expose au risque d’une potentielle contrattaque voire même d’une coalition européenne qui viendront éradiquer ceux qui ont osé défier les colons européens. C’est pourquoi lorsqu’il signe la paix avec les italiens le 26 octobre 1896 avec le traité d’Addis Abeba, Menelik II décide de renoncer à ses prétentions territoriales il abandonne l’idée de s’emparer du sud su Soudan, de la Somalie, de Djibouti et surtout de l’Erythrée italienne qui avait déclenché la guerre. La frontière entre l’empire de l’Ethiopie et l’Erythrée italienne se retrouve tracée le long de la rivière Marab. Les prisonniers de guerre fait à Adoua sont libérés et pour être sûr qu’il n’y a pas d’ennui, cette fois pas de traduction trompeuse en italien, il y a juste une version en amharique et en français approuvée par les deux camps. En réussissant à battre une armée occidentale et en arrivant à mettre fin à la guerre par un habile diplomatie, Menelik II et ses successeurs viennent de gagner des décennies de stabilité. L’Ethiopie peut donc les années suivantes continuer librement son expansion et sa modernisation. Menelik II va poursuivre ses conquêtes vers le sud et continuer à signer des traités avec les européens jusqu’à sa mort en 1913 permettent à l’Ethiopie d’adopter les frontières qu’a lui connait aujourd’hui.